D. BENREBRIT 1,2, A. BOUSSELHAM 1,2
1. Laboratoire Microbiologie Médicale, CHU Tlemcen
2. Faculté de médecine, Université Abou-Bekr Belkaid Tlemcen
Introduction :
Les bactéries multirésistantes (BMR) et les bactéries hautement résistantes émergentes (BHRe) représentent un enjeu majeur de santé publique. Limitant les options thérapeutiques, elles augmentent ainsi la morbidité et la mortalité des infections. Les enfants constituent une population vulnérable nécessitant une surveillance spécifique.
Objectifs :
L’objectif de cette étude est de déterminer la prévalence des BMR et BHRe dans la population pédiatrique, leur répartition par type de BMR et BHRe et d’observer leur tendance d’évolution sur 6 ans.
Sujets :
L’étude a porté sur des souches de BMR : Entérobactéries sécrétrices de β-lactamase à spectre élargi (EBLSE), Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), Pseudomonas aeruginosa résistant à la ceftazidime (PARC), Acinetobacter baumannii résistant à l’imipénème (ABRI) et les BHRe : Entérobactéries productrices de carbapénèmases (EPC) et Enterococcus faecium résistant à la Vancomycine (ERV), isolées chez des patients âgés de moins de 15 ans à partir de prélèvements à visé diagnostique.
Matériel et méthodes :
Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive menée au sein du laboratoire de microbiologie du CHU Tlemcen, entre janvier 2019 et décembre 2024. L’étude de la sensibilité aux antibiotiques et les tests complémentaires ont été réalisés selon les recommandations du CLSI.
Résultats :
Au total, 1075 BMR ont été isolées durant la période, dont 129 (12 %) issues de la population pédiatrique. Les souches les plus fréquentes étaient les EBLSE (31,01 %), les SARM (30,23 %) et les PARC (23,26 %), suivies des EPC (9,3 %) et des ABRI (6,2 %). Aucun ERV n’a été isolé. Les PARC dominaient en 2019–2020 (39,13 % et 60 %), suivis par les EBLSE en 2021–2022 (50 % et 60 %), puis les SARM en 2023–2024 (38,46 % et 35 %). Les EPC, absents entre 2019 et 2021, ont connu une augmentation progressive à partir de 2022, atteignant 20 % en 2024.
Discussion :
Nos résultats montrent une prévalence globale des BMR et BHRe dans la population pédiatrique de 12 % par rapport à l’ensemble des BMR et BHRe isolées, confirmant que les enfants constituent une population à risque non négligeable dans la dissémination de ces pathogènes.
Les souches les plus fréquemment isolées étaient les EBLSE, les SARM et les PARC. Cette hiérarchie est cohérente avec d’autres travaux menés au Maghreb et en Europe.
Pour l’évolution temporelle des souches : les PARC dominaient en 2019–2020, tandis que les EBLSE prenaient le relais en 2021–2022, puis la prédominance des SARM en 2023–2024 suggère une fluctuation selon les pratiques de soins, l’antibiothérapie prescrite, et les mesures de prévention instaurées.
L’augmentation notable des EPC, atteignant 20 % des isolats pédiatriques en 2024, est préoccupante, en particulier dans un contexte pédiatrique, et rejoint les alertes récentes de l’OMS sur l’émergence des BHRe dans les services sensibles, y compris chez l’enfant.
Conclusion :
Les BMR représentent une réalité préoccupante en pédiatrie, avec une évolution marquée au cours du temps. L’émergence des EPC impose une vigilance accrue. Nos résultats appellent à renforcer les programmes de prévention ciblés et à intégrer la population pédiatrique dans les stratégies de lutte contre la résistance bactérienne.